Valoriser une identité territoriale

Alors que les mouvements populistes montent en puissance, les travaux d’Emma Bell portent notamment sur la crise de la démocratie et les réponses potentielles à apporter. Des travaux menés au sein du LLESTI qui couvre de nombreuses spécialités.

Emma Bell

Directrice du LLSETI, unité de recherche en langages, littérature, sociétés, études transfrontalières et internationales – Université Savoie Mont Blanc.

L’unité de recherche en langages, littérature, sociétés, études transfrontalières et internationales que je dirige regroupe environ 50 chercheurs et une trentaine de doctorant·e·s en littérature (française, comparée et étrangère), philosophie, sciences de langage, langues et civilisations étrangères, histoire, arts et sciences de l’information et de la communication.

Des travaux ancrés dans le territoire, mais pas seulement

Ces travaux s’organisent autour d’une thématique globale “Études transfrontalières et internationales”. Nous sommes amenés à travailler sur des projets et domaines très variés. Nos chercheurs spécialistes des humanités environnementales (recherches interdisciplinaires qui analysent les interactions entre l’activité humaine et l’environnement) collaborent par exemple avec la chaire MIRE (Montagne infrastructures risques et environnement), pilotée par la Fondation USMB, sur la question du changement climatique. Nous apportons un regard décalé sur ce sujet via la littérature, l’histoire et la philosophie.

Nos historiens étudient notamment les grands acteurs de la région et organisent avec les étudiant·e·s, des fouilles archéologiques. Nos chercheurs en littérature étudient la circulation des idées, des langues… Nous portons par ailleurs le projet LIBEX (Liberté de conscience, liberté d’expression et liberté de création : recherches interdisciplinaires en diachronie et en synchronie) financé par l’Agence Nationale de la Recherche qui analyse comment s’articulent liberté d’expression, de création et de conscience avec les principes de la laïcité dans l’espace public à l’ère d’internet et des réseaux sociaux. À l’échelle internationale, nos spécialistes de civilisation des mondes anglophone, italophone et hispanophone adoptent une approche comparatiste pour mieux comprendre les démocraties contemporaines et leurs problèmes. Je réfléchis pour ma part aux réponses que nous pourrions apporter à la crise de la démocratie actuelle et à la montée du populisme de l’extrême droite.

À l’échelle internationale, nos spécialistes de civilisation des mondes anglophone, italophone et hispanophone adoptent une approche comparatiste pour mieux comprendre les démocraties contemporaines et leurs problèmes. Je réfléchis pour ma part aux réponses que nous pourrions apporter à la crise de la démocratie actuelle et à la montée du populisme de l’extrême droite.

Crise de la démocratie et sentiment d’abandon

Selon moi, cette crise s’explique essentiellement par un sentiment d’abandon poussant la population vivant dans des lieux excentrés vers les extrêmes. Ici, le pouvoir politique est perçu comme éloigné, concentré au niveau de l’État-nation ou des institutions supranationales, comme l’UE. De plus, la rupture du contrat social et la concentration concomitante de la richesse et du pouvoir entre les mains des élites économiques et politiques ont entraîné une crise de la représentativité. Beaucoup de gens estiment que leur gouvernement ne donne pas la priorité à leurs préoccupations. Cette rupture a provoqué une crise du contrat spatial entre les pôles et les zones marginales, créant des relations de pouvoir asymétriques sur le plan économique, social, politique ou culturel qui peuvent provoquer du ressentiment social qui se manifeste sous forme de « géographies du mécontentement » où les « lieux qui n’ont pas d’importance » se vengent dans l’isoloir en votant pour des partis anti-establishment.

Conserver la richesse au niveau local

Bien que ces lieux soient souvent considérés comme terrain propice à la montée du populisme, ils pourraient au contraire devenir le terrain du renouveau démocratique. L’idée serait de faire travailler les gens ensemble afin de favoriser le développement d’une identité territoriale positive basée sur la co-construction de politiques locales, par exemple par le community wealth building, un processus qui garde la richesse au sein de la communauté, encourage la participation locale, la propriété collective… J’ai collaboré avec des chercheurs à travers l’Europe et aux États-Unis sur cette thématique et nous allons publier un livre début 2025 chez Bristol University Press : Commons, Citizenship and Power : Reclaiming the margins.