La décarbonation : un enjeu pour la recherche

L’industrie est responsable d’environ 20 % des émissions de gaz à effet de serre sur le territoire national. Sa décarbonation* représente donc un enjeu majeur et la recherche a un rôle fondamental à jouer en ce domaine.

Laurent Duclaux

Enseignant chercheur en chimie des matériaux. Laboratoire Edytem, Environnements, Dynamiques, Territoires, Montagnes. Université Savoie Mont Blanc

Contribuer à la protection de l’environnement via de nouveaux matériaux

Au sein du laboratoire Edytem de l’Université Savoie Mont Blanc, nous travaillons notamment sur l’optimisation ou la création de matériaux destinés à la protection de l’environnement. À partir de précurseurs biosourcés comme le marc de café, la laine de mouton, de déchets que nous recyclons, nous fabriquons des charbons actifs et leur donnons une fonctionnalité de surface, à même de capter les molécules que l’on veut supprimer. Les matériaux poreux ont la propriété d’être absorbants et de fixer les molécules organiques, de retenir des micropolluants… Et donc d’être utiles pour la filtration de l’eau par exemple.

Nous nous intéressons aussi à la capture du formaldéhyde, composé organique volatil que l’on retrouve communément dans l’air intérieur des résidences dans les moquettes, colles, peinture…  

Nous avons mis au point un matériau dont la surface, dotée de nanoparticules d’oxyde de cuivre, dégrade ce formaldéhyde ; matériau qui pourra intégrer des épurateurs d’air par exemple.

 

Nos travaux actuels portent également sur la séparation du CO2 de l’azote dans l’air ; séparation qui pourrait servir à traiter les fumées post combustion de l’industrie. Cela implique toutefois la question de la récupération et du stockage du CO2. Nous savons le séparer, mais qu’en fait-on ensuite ? Il n’existe pas à ce jour de solutions pérennes.

Des recherches qui intègrent un programme national

Nous sommes par ailleurs impliqués dans Programme et équipements prioritaires de recherche (PEPR) pour la décarbonation de l’industrie avec l’IFP Énergies nouvelles (IFPEN), successeur de l’Institut français du pétrole (IFP).

Baptisé Spleen, il vise à mobiliser et à fédérer la communauté scientifique française pour concevoir des systèmes industriels moins émetteurs de gaz à effet de serre et s’inscrit dans la stratégie nationale d’accélération France 2030 “Décarbonation de l’industrie”.

Nous intervenons, dans ce cadre, sur le projet Catalpa dont le but est d’explorer de nouvelles méthodes pour diminuer l’empreinte énergétique et carbone des procédés de capture de CO2.Nous arriverons à trouver des technologies efficaces, mais elles seront onéreuses. Et je ne vois actuellement pas de programme national pour financer totalement la décarbonation même si les directions suivies vont dans le sens de la limitation des gaz à effet de serre.

Collaborer avec les entreprises

Quant aux entreprises, il y a bien une prise de conscience et des projets, mais elles peinent à prendre les devants, justement en raison des coûts. Elles interviennent souvent sous la contrainte. Et il existe des aides qui ne sont pas forcément utilisées.

Au niveau du laboratoire, elles nous sollicitent de plus en plus sur des questions de pollution et de recyclage, mais seulement pour la preuve de concept (démonstration de faisabilité). Souvent, la collaboration s’arrête ensuite et c’est dommage. Nous, nous souhaiterions poursuivre avec elles via des thèses de recherche à plus long terme.

Des capteurs intelligents

Une autre de nos activités concerne les capteurs  « passifs » fonctionnant par adsorption/désorption, capables de capturer et de récupérer les virus dans l’eau. Nous collaborons avec un laboratoire de Montbonnot (Normec-Abiolab), spécialisé dans les analyses microbiologiques et chimiques de l’eau.

Dans le cadre du programme Pack Ambition Recherche 2021 financé par la Région AURA, nous encadrons une thèse en cours sur le sujet : Conception, réalisation et étude du fonctionnement d’un échantillonneur passif à porosité contrôlée pour la concentration et l’analyse des norovirus humains dans les eaux usées et l’eau de consommation (projet Virocaptur), avec des expérimentations à la station d’épuration de Grand-Chambéry. Elle pourrait déboucher, d’ici l’an prochain, sur une méthode permettant d’analyser les virus avec un prélèvement nécessaire en eau nettement inférieur aux techniques actuelles.

Pour moi, la recherche est là pour faire avancer les connaissances et pour trouver des solutions.

La Stratégie nationale bas carbone ambitionne une réduction des émissions de GES de 35 % d’ici 2030 et de 81 % d’ici 2050 par rapport à 2015 pour l’industrie.