Une ressource mise en partage
Mais qu’est-ce que les communs fonciers ? Ce sont des modèles multiséculaires équilibrés d’usage du sol nés au Moyen-Âge, permettant d’améliorer le vivre ensemble par la gestion collective d’une ressource mise en partage. Ils dépendent d’une communauté composée d’ayants droit (héritiers, résidents du lieu…) qui en définit les règles et en répartit les utilités (entretien du paysage, des forêts, préservation de la biodiversité, régulation de la faune…). Historiquement, ces systèmes sont nés d’arrangements trouvés entre des groupes d’habitants et les dépositaires de domaines (seigneurs, communautés religieuses) pour permettre la coexistence et la subsistance de tous sur un domaine utile. Le propriétaire du sol, c’est la communauté tout entière ou une personne morale animée par la communauté dont les membres disposent de droits d’usage et ont la charge d’entretenir le commun dans la durée et de le transmettre aux générations ultérieures en bon état.
Grâce à deux études réalisées entre 2018 et 2022 au sein de l’USMB, nous avons découvert que ces propriétés collectives, souvent méconnues, restent très présentes aujourd’hui encore en France, en particulier dans les zones rurales et de montagne. Loin de tout folklore, elles possèdent une réelle valeur patrimoniale et culturelle, mais aussi un rôle économique et social très intéressant. À l’heure où notre société doit faire face à des défis redoutables, climatiques notamment, c’est un véritable outil pour coexister plus intelligemment sur nos territoires et en prendre soin… L’administration n’a pas les moyens d’intervenir partout et la propriété individuelle classique ne peut pas remplir toutes les fonctions utiles aux habitants. L’affouage (coupes de bois pour les besoins domestiques) redevient par ailleurs intéressant à pratiquer dans le contexte actuel, l’irrigation, le pastoralisme aussi… Ces communs sont une chance, une ressource et non un patrimoine figé.
Croiser les savoirs des chercheurs et ceux des habitants
Via Valcom, nous souhaitons donc promouvoir et valoriser ces systèmes en mobilisant ressources et la méthode des recherches des sciences participatives, c’est-à-dire en associant largement les habitants pour nourrir la réflexion, croiser les acquis et les expériences. Nous, chercheurs, avons aussi beaucoup à apprendre. Nos savoirs sont différents et complémentaires.
Avec le concours d’une doctorante et de deux ingénieures d’études, nous allons continuer de recenser ce patrimoine, le cartographier, mieux comprendre ses fonctionnements… Nous voulons évaluer sa valeur économique et sociale et sommes en train de mettre au point un protocole d’enquête pour fournir, à terme, un instrument de mesure. Nous réalisons également des monographies pour permettre d’identifier les façons de redynamiser ces communs.
Nous aimerions également fédérer et des outils disponibles sur Internet sont en cours de développement pour faciliter les échanges et sortir les uns et les autres de l’isolement. Les communs fonciers sont en effet une grande famille qui s’ignore en tant que telle. En témoignent les capsules vidéo d’ores et déjà réalisées lors de nos différentes rencontres sur le terrain et qui sont particulièrement prisées et partagées par les communautés avec lesquelles nous travaillons. Résultat positif de cette approche : de plus en plus d’élus et d’ayants droit nous sollicitent.
Faire évoluer le cadre législatif
Et en 2025, nous allons organiser un second colloque sur le sujet au Sénat. Nous souhaitons ainsi continuer à nourrir une réflexion collective, faire de la médiation pour favoriser le dialogue. Nous avons d’ailleurs obtenu, en décembre 2024, un soutien de l’Agence nationale de la recherche pour participer à un programme sur le sujet*.
Nous allons de même lancer des formations pour les élus, les avocats, notaires… et aimerions faire évoluer le cadre législatif.
Si j’ai un vœu à formuler ? Ce serait qu’au terme de ce programme scientifique de quatre ans, les grands élus soient disposés à modifier la loi afin qu’une place officielle soit faite à ces systèmes. Ils ont le mérite de mettre en avant l’usage et non la propriété, d’être un puissant vecteur de cohésion sociale… C’est presque une folie de ne pas les considérer pour ce qu’ils sont au regard des nombreux avantages qu’ils procurent à l’échelle des territoires
* “La recherche participative au soutien de la reconnaissance et de la revivification des communs fonciers. Un outil pour relever les défis socio-écologiques en contexte de mobilisation des communautés rurales.”